BAKOU

Pascal Ulrich alias BAKOU



    En Juin 1998, Pascal Ulrich fait la connaissance d’un sculpteur sur métaux allemand. Ensemble, mais aussi avec de nombreux autres artistes, ils décident de monter un atelier dans le port de Khel, inspiré d’Andy Warhol et de la Factory de New York. Kehl am Rhein est une commune allemande située sur la rive droite du Rhin au niveau de l'Île aux Épis de Strasbourg. Un pont unit les deux villes. Pascal est enthousiasmé par cette nouvelle perspective artistique et propose au sculpteur des modèles pour ses futures œuvres issus de ses dessins. En même temps, il découvre la peinture acrylique. Pascal va vivre alors une grande expérience.



Lettre du 19 juillet 1998 :
« Toujours sur le port du Rhin côté germain et plus que jamais. Ce qui se passe ici est vraiment merveilleux. Je crois que nous allons vers quelque chose de magnifiquement vivant, créatif… Et c’est déjà le cas à vrai dire. Nous allons sûrement investir 600m2 d’atelier(s) et d’habitation, ce qui n’est pas rien ! Tu comprendras que je ne peux pas partir maintenant, alors que tout se construit. C’est une occasion qui se présente rarement dans une vie. Je vais terminer là car j’ai énormément de travail. »

Lettre du 22 juillet 1998 :
« Première nuit blanche seul dans l’atelier. J’ai fait trois acryliques. Il faut croire en ce lieu. Il faut beaucoup de vie. Il faut beaucoup d’envies, etc… Encore sincèrement désolé mais je dois être là. Tu comprendras. »


   Pour être en accord avec cette grande aventure qui est en train de le changer, Pascal prend un pseudonyme. Il choisit « Bakou » en référence à Mikhaïl Alexandrowitsch Bakounine, francisé en Michel Bakounine (1814 - 1876), révolutionnaire, théoricien de l'anarchisme et philosophe d’origine russe. Le style de Pascal va également évoluer en se complexifiant. Le soir, chez lui, il décore une multitude d’enveloppes. 







    Dans l’atelier, la liberté est totale et dans un grand élan créatif, Pascal peint sur les murs. 


Lettre d’août 1998 :
« Ici, tout se bouscule sans cesse. C’est vraiment une nouvelle vie qui commence… T’expliquer ce qui se passe ici serait trop long, trop compliqué. Il faut que tu débarques un jour en ces parages, alors je te raconterai, te montrerai. Tout et le reste. Je change chaque jour… Et du dedans, et du dehors. C’est compliqué, hein ? A suivre… »







Bakou - Acrylique - 1998




Lettre du 17 août 1998 : 
« Un brin de repos après maintes et maintes tourmentes parfois assez délirantes. La « Factory » prend forme. C’est parfois très éprouvant physiquement et nerveusement mais tout cela se fait dans une ambiance qui donne de foutues ailes. Tout cela, je le fais avec une sacrée petite bande qui cause français, allemand, espagnol et espéranto maison. Les projets à la pelle ! La folie à la pelle ! Et tout cela devrait marcher du tonnerre de Châteauroux ! Pas le temps de lire mais on lira plus tard… »


    Courant août, le « Kehler Zeitung », journal quotidien pour la ville de Kehl, débarque dans l’atelier multiculturel. L’article qui paraît le lendemain montre un Pascal en plein action. Entre le 10 et le 28 novembre, c’est l’effervescence. Une grande exposition est prévue dans l’atelier même pour présenter le travail des artistes et c’est donc le temps des préparatifs.

 


   L’événement a lieu le 5 décembre et ARTE-Allemagne fait le déplacement. Le vernissage est un joli succès public avec beaucoup de visiteurs grâce à la publicité faite par la presse.


    Mais Pascal, le rêveur lucide, emporté par son enthousiasme a manqué de clairvoyance et bientôt il va tomber de haut.

Lettre du 13 décembre 1998 :
« …Mais quel échec personnel, un véritable bordel, une vraie claque dans la gueule. Mon « associé » dans tout ça s’est révélé au grand jour, un véritable salaud en effet. A présent, je suis parti de l’atelier germain mais tout ça fut très riche d’enseignements, ce fut une épatante aventure humaine et artistique. J’ai fait une belle série d’acryliques en tous genres (bientôt tu recevras quelques photos) que je vais faire tourner un peu partout. Tu vois j’ai pu « rebondir » assez rapidement. Faut pas mollir ma bonne dame ! »

   Fin décembre, Bakou disparaît pour toujours et laisse derrière lui des espoirs et une nouvelle vie entrevue mais Pascal a grandi durant ces derniers mois et c’est avec l’esprit relativement serein qu’il entame l’année suivante.
Lettre du 13 janvier 1999 :
« J’ai la réputation d’avoir l’esprit libre, en outre je me laisse rarement faire et certains dont German (de l’atelier germain) n’aiment pas la liberté des autres car ils sont prisonniers de vieux schémas, de vieilles morales et tutti quanti. Mais, quand on se veut libertaire il faut savoir se heurter à certaines réalités. La réalité de la médiocrité, de la pensée unique et d’autres choses plus dégueulasses encore. Mais je sais tourner la page… »


ROBERT ROMAN